21.12.15

Alain Jouffroy (11 septembre 1928 - 20 décembre 2015)


"Ecrire un poème, c'est se tirer une balle dans les mots." 

18.12.15

Les vœux boviens de Pierre Assouline




L’édito
Par Pierre Assouline
N° 563/Janvier 2016 • Le Magazine littéraire - 3


"Y a-t-il plus beau titre pour un roman que Mes amis ? N’essayez pas, c’est déjà pris, et bien pris. Il orne la couverture d’un livre inoubliable d’Emmanuel Bove, que le dernier carré de ses fidèles lecteurs s’échangent comme un mot de passe, longtemps après sa parution en 1924, encouragés par la récente et soignée réédition à l’initiative de L’Arbre vengeur, maison sise à Talence en Gironde.

C’est un livre doux et mélancolique, pathétique sans misérabilisme, écrit dans une langue oubliée. Bove avait le génie de parler de soi sans parler de lui. On ne fait pas plus discret. Pas la moindre tentation de draper ses réflexions sur les choses de la vie pour en faire des vérités universelles. Un chapitre par ami. On dirait des nouvelles. Ils s’appellent Lucie Dunois, Henri Billard, Neveu le marinier, Monsieur Lacaze, Blanche. Des héros typiques d’une littérature arrondissementière qui promènent leur mélancolie d’une terrasse de café l’autre, leurs châteaux à eux. Vus par le narrateur, un certain Victor Bâton qui est le double de l’auteur, ils sont souvent réduits ą une émeute de détails, mais si aigus et précis, et même « touchants » selon Beckett qui l’admirait, quand c’est Bove qui tient la plume. Son don d’observation est à son meilleur dans leur évocation : un épicier si gras que son tablier est plus court devant que derrière ; un Bottin dont quelques pages dépassent la tranche imprimée ; un manteau sur lequel on souffle pour savoir si c’est de la loutre ; des lèvres qui, à force d’être séparées, n’ont plus l’air d’appartenir à la même bouche ; une femme pour la première fois dénudée dont son amant d’un soir remarque le vaccin sur le bras ; un inconnu qui marche en posant le talon avant la semelle. Et lui, le narrateur, qui sillonne la ville dans l’espoir qu’un événement bouleverse enfin sa vie, emprunte toujours les escaliers de service pour mieux respirer, pauvre et ne connaissant personne, sans savoir laquelle de ces deux misères lui pèse le plus.

Sa langue est sobre ; dépouillée mais sans sécheresse, elle ne recherche pas l’effet ; c’est l’art de dire presque tout avec presque rien ; on dirait du français du monde d’avant et pas seulement en raison d’un emploi naturel et abondant de cet imparfait du subjonctif que nous ne lisons plus sans nostalgie. Humilité, insécurité, précarité, intranquillité : voilà dans quoi baigne l’atmosphère de cette galerie de portraits qui ne sont pas d’ancêtres. Avec la solitude pour leur faire cortège. La cruelle solitude, celle qu’on subit, et non la clémente, celle qu’on choisit. Dans une préface pleine d’empathie, Jean-Luc Bitton rappelle à quel point les maux de ses héros de la vie quotidienne, des personnages qu’il ne méprisait jamais, reflétaient les tourments d’Emmanuel Bove. Un absent, un inadapté, un à part. « Triste, mais jamais désespéré. » On le disait taciturne alors qu’il pensait juste à autre chose. C’est rare, un écrivain qui a du coeur. Mes amis est l’histoire de leur quête éperdue à travers la ville par un homme qui crève de ne pas en avoir. Juste pour leur confier ses peines. à défaut, nous en sommes les heureux destinataires.

Parfois, on se croirait dans un album de Sempé. N’importe lequel et plus encore le nouveau, Sincères amitiés (lire aussi page 8). L’ambiance est plus gaie que chez Bove. Franchement souriante, mais tout aussi aiguë. C’est ce petit bonhomme, sa veste dans une main, une branche dans l’autre, qui toise le ciel du haut du talus sur lequel il est juché : « J’ai toujours pardonné à ceux qui m’ont offensé. Mais j’ai la liste. » La chose (l’amitié) est évoquée comme un pacte qui ne serait jamais énoncé, ce qui prête naturellement aux pires malentendus. Interrogé, le dessinateur peine à la définir autrement qu’en la dessinant. Ce serait deux petits garçons qui ne cesseraient de se raccompagner ą leur domicile sans se résigner à se quitter. Seulement voilą : ce dessin, il l’a juste rêvé. Impossible d’aller au-delà : « Je ne sais pas comment terminer. » Tant mieux, parce que, s’il savait, ce ne serait pas de l’amitié. Avec Sempé, elle est toujours délicate, subtile, pudique, et se nourrit non de silences mais de peu de mots, juste de ce qu’il faut. Jusqu’à l’aveu : « L’énorme et insoluble problème, c’est la solitude. »

 J’ignore si Dieu est amour, mais ce serait déjà bien qu’il soit amitié. "

29.11.15

Dispersion, disparition



Myrtille Hugnet, 1971

Composition surréaliste, boîte-objet collage avec épingle, plumes, sans date.


Joyeuses Pâques, 1961.


Le 1er décembre 2015, on dispersera chez Christie's Paris la succession de Georges Hugnet, historien du mouvement dada et artiste surréaliste. Pourquoi l'État français si prompt à dépenser des sommes astronomiques dans des des projets culturels pharaoniques discutables n'est pas capable de mettre un petit million d'euros sur la table pour sauvegarder ce patrimoine artistique national?

CATALOGUE EN LIGNE

25.11.15

Swanee

Poème de Philippe Soupault dédié à Jacques Rigaut

16.11.15

Rue de la Folie


Paris, le 13 novembre 2015. @Pierre Bonnal

Façade de mon immeuble,
rue de la Folie Méricourt, Paris 11ème, le 16 novembre 2015.

11.11.15

Mort d'un jardinier



Le 3 novembre 2015, le jardinier Pascal Cribier se donnait la mort à son domicile parisien avec un fusil de chasse. Il était atteint d'une "maladie incurable non mortelle" et avait confié à ses proches son intention d'en finir. Combien de temps et de drames faudra-t-il encore pour enfin autoriser en France l'aide au suicide pour les personnes atteintes de maladies incurables mortelles ou pas?

6.11.15

Pèlerinage annuel


Tombe de Jacques Rigaut au cimetière Montmartre le 6 novembre 2015 

11.10.15

"D'ailleurs c'est toujours les autres qui meurent"


Marc Dachy ( 5 novembre 1952- 8 octobre 2015)

Dédicace d'Archives Dada

Tract d'une soirée dada le 9 juin 2011 à Paris dans une librairie aujourd'hui disparue


Ça faisait quelques longs mois que je n'avais pas de nouvelles de l'ami Marc Dachy. Aucun mail, aucune lettre, aucun SMS. Je l'imaginais en train de peaufiner cette biographie de Tzara qu'il préparait depuis des années. On devrait toujours se méfier des silences de nos amis, ils sont parfois de mauvais augure. En fait, tous ces derniers mois, Marc bataillait contre le crabe. Une bataille qu'il a perdue ce 8 octobre. Récemment, j'avais cherché son nom, en vain, parmi les commissaires de l'exposition Tzara à Strasbourg. Marc Dachy était trop dadaïste pour ces Grandes-Têtes-Molles que sont les institutions culturelles, qui ces dernières années, ont tenté de récupérer Dada. Déjà, en 2005, Marc avait été écarté de l'organisation de l'exposition DADA du Centre Pompidou. L'historien du mouvement dada s'était alors amusé à relever les centaines d'erreurs et approximations qui émaillaient l'imposant catalogue de l'exposition. La plus "hénaurme" avait été de faire mourir Marcel Duchamp à New York, alors que l'inventeur des ready-made s'est éteint à Neuilly-sur-Seine, même Wikipédia le sait. J'imagine avec quel plaisir jouissif l'auteur de Dada & les dadaïsmes s'était penché sur cette somme de plus de 1000 pages qui se voulait éruditement irréprochable. Comme Dada, Dachy n'était pas fait pour les musées, c'était un homme de terrain, un chercheur d'or, un aventurier prêt à partir au bout du monde pour remuer des archives poussiéreuses et y dénicher un poème inédit de Tzara. Il défendait son territoire, mais savait être généreux avec ceux qui l'étaient avec lui. Sa revue Luna Park était passionnante. Sans lui, il aurait manqué de nombreuses pages à l'histoire du mouvement dada. Dans son dernier livre paru en avril 2015, il commentait avec humour et érudition une revue de presse des années dada autour de Tzara et Breton. Son titre Il y a des journalistes partout, était extrait d'une citation de Tristan Tzara : "Je m'imagine que l'idiotie est partout la même, puisqu'il y a partout des journalistes."

Les obsèques de Marc Dachy auront lieu ce vendredi 16 octobre à 13h30 dans la grande salle de la coupole du Cimetière du Père-Lachaise.











7.10.15

Le sourire de Chantal

Chantal Akerman 1950-2015 

"En toute rigueur, ses gestes, ses paroles cherchaient dans le suicide une légitime, une seule conclusion. " (Jacques Rigaut)

6.10.15

Cravan à l'encan




Arthur Cravan déguisé en femme, 1994 
Mine de plomb et crayon de couleur sur papier 

Signé, daté et titré en bas  48 × 38 cm
Estimation : 1200 /1800 euros


Le 22 octobre, l'artiste franco-espagnol Eduardo Arroyo met en vente chez Piasa à Paris sa collection de documents consacrée à l'univers de la boxe. On y trouve entre autres de nombreux portraits du poète-boxeur Arthur Cravan, mais également un exemplaire de l'affiche originale du combat de boxe du 12 avril 1916 à Valencia entre Cravan et Jack Johnson. Estimation : 10 000 / 15 000 euros.
Vous pouvez consulter le catalogue en ligne.

3.9.15

Cadeau de rentrée




Pour fêter la rentrée, un petit cadeau...Vous trouverez en ligne sur mon nouveau site personnel l'intégralité du dossier "Salut à Jacques Rigaut" paru dans La Nouvelle Revue Française en 2004,
ainsi que ma postface à Lord Patchogue aux éditions du Chemin de fer (2011). Bonne lecture!

12.7.15

Vacances permanentes


Emilio Terry 

Emilio Terry & Jean-Michel Frank 

Emilio Terry & Jean-Michel Frank 


René Crevel & Jean-Michel Frank 


Jacques Porel & Madame Crosby 

Jean-Michel Frank & Paul Smara 

Marie-Blanche de Polignac & Denise Bourdet 

Paul & Georgette Chadourne

Jean Cocteau 

L'Abbé Mugnier & la Comtesse Rosita de Castries 

A. Bradenburg, Madame Jaloux, G. Salles, Edmond Jaloux, F. Cornaz

Jean-Michel Frank, Nancy Cunard, René Crevel, Jean Hugo, Georges Auric et Nora Auric 

Georges et Nora Auric, Emilio Terry 



La belle vie d'Emilio Terry
Parmi les amis intimes de Jacques Rigaut, on trouve le nom d'Emilio Terry (1890-1969), qui fréquenta tout le gotha des artistes et de la Café Society de l'entre-deux-guerres. A la mort de son père Tomasso Terry, qui, grâce au commerce du sucre, fut l'homme le plus riche de Cuba, Emilio hérita d'une fortune considérable qui lui permettra de vivre en dilettante fortuné tout en s'adonnant à ses deux passions : l'architecture et la décoration. Dans son hôtel particulier de la Place du Palais Bourbon, Emilio reçoit, selon son expression, La Terre et La Ville, c'est-à-dire les gens du monde et les artistes. Ce cénacle s'énumère dans un vertigineux name-dropping non exhaustif du bottin mondain et artistique de l'époque : George Auric et sa femme Nora, Henri Sauguet, François Poulenc, la princesse Edmond de Polignac, Marie-Blanche de Polignac, René Crevel, Jean Cocteau, Paul Chadourne et sa femme Georgette, Marc Chadourne, Jean Hugo, François Mauriac, Christian Bérard, Jacques Porel, Edmond Jaloux, Paul Morand, Garith Windsor, Jacques Viot, l'éditeur Albert Skira, le décorateur Jean-Michel Frank, Alberto Giacometti, l'abbé Mugnier, Dali, Henri de Castellane, Jean-Louis de Faucigny-Lucinge et sa femme Sylvia, Marie-Laure de Noailles, la marquise Margaret de Cuevas de Vera… Passionné de photographie, Emilio Terry a immortalisé sur la pellicule tous ses moments d'amitié et de sociabilité qu'il a vécus, des milliers de photographies prises entre 1902 et 1940, une véritable autobiographie en images. Ce fonds de photographies souvent inédites a été mis en vente aux enchères le 27 juin 2015 par la maison Osenat. Avant la dispersion, j'ai consulté les cinq albums (3269 images) proposés à la vente, dans l'espoir d'y trouver la présence de Jacques Rigaut, en vain. Lord Patchogue semble avoir échappé à l'objectif d'Emilio, qui a capturé nombreux de ses amis comme Jean-Michel Frank, Jacques Porel, René Crevel, Paul Chadourne ou Raoul de Roussy de Sales. Emilio Terry est souvent présent sur les photographies. Toujours souriant, derrière ses lunettes rondes, il semble heureux de sa belle vie qui ressemble à des vacances permanentes. La fortune n'explique pas ce bonheur de vivre, il existe des gens fortunés malheureux. C'est un art de vivre, une philosophie de vie. Quelque chose d'inné, ce je ne sais quoi qui ne s'achète pas. Je souhaite de belles vacances à ceux qui partent et à ceux qui restent. Je vous donne rendez-vous à la rentrée.


SOURCES : Catalogue de la vente "L'esprit du XXème siècle" Osenat Paris-Fontainebleau (juin 2015) Marijke Verhaar, Salvador Dalí et le mécénat du Zodiaque (2012).


22.6.15

Essayez, si vous le pouvez, d’arrêter une femme qui voyage avec son suicide à la boutonnière.

« Laura », 24 ans, sera euthanasiée cet été. Elle est en excellente santé[sic]


La Belgique est en train de devenir folle. Et ceux qui prévenaient, lorsqu'elle adoptait l’une des premières lois d’euthanasie au monde, qu’elle s’engageait sur une pente glissante qui l’enfonce de plus en plus loin dans l’horreur voient leurs avertissements confirmés. La dernière histoire en date est contée par le quotidien belge De Morgen, qui a rencontré « Laura », 24 ans, candidate à l’euthanasie. Elle est en excellente santé physique. De nombreux amis l’entourent. Elle apprécie de sortir – au théâtre notamment – et elle aime le bon café. Sa vie prendra fin cet été. Pourquoi ? Parce qu’elle n’a pas envie de vivre. Les dépressions la tourmentent : depuis trop longtemps, elle s’imagine que « vivre, ce n’est pas son truc ».

L’histoire de la jeune femme est terrible. Elle naît dans une famille qui éclatera du fait de la violence et de l’alcoolisme de son père : la séparation s’imposera en raison du danger et la petite passera beaucoup de temps chez ses grands-parents maternels, qui lui offrent sécurité, affection, structure. Malgré tout, dès la grande section, elle se demande se qu’elle fait sur terre. A six ans, elle rêve de se tuer. C’est le début d’un long tunnel, qui passera par l’automutilation, l’incompréhension, les souffrances.

Laura a besoin de croire que ce n’est pas son enfance chaotique qui lui a donné ce désir d’autodestruction : « Même si elle a contribué à ma souffrance, je suis convaincue que j’aurais eu ce désir de mort si j’avais grandi dans une famille tranquille et stable. Je n’ai tout simplement jamais voulu vivre. »

Après une scolarité difficile, marquée par les comportements autodestructeurs dont la gravité n’a pas frappé les responsables de l’école, « Laura » se lance dans le théâtre, emménage avec une amie : « J’avais tout en fait : un appartement sympa, une passion amoureuse très agréable, j’étais occupée à plein temps par le théâtre ». La voilà donc au sein d’une relation homosexuelle qu’elle lâche après s’être disputée avec son amie en raison de sa dépression.

A ce moment-là un psychiatre la met au défi de se faire interner, en abandonnant le théâtre. Elle se laisse convaincre et découvre une vie « lourde » : ses automutilations augmentent en intensité, elle se frappe contre les murs. Elle a l’impression d’abriter un monstre qui cherche à s’échapper de son corps. L’agressivité, la colère, la douleur ne sont en rien soignés par les psychiatres et Laura est une patiente si difficile qu’elle est régulièrement renvoyée chez elle pour que le personnel puisse souffler.

C’est à l’asile psychiatrique qu’elle rencontre « Sarah », qui organise précisément sa propre euthanasie. « Laura » est séduite : les deux femmes parlent de la mort et elle décide de réclamer elle aussi une piqûre mortelle.

Entre la demande et l’exécution, il faut compter entre un an et dix-huit mois. Laura l’a faite ; l’échéance est pour l’été. Il lui a fallu d’abord acquérir la conviction – à l’aide de sa thérapie – que son enfance n’était pas la cause de ses souffrances, mais quelque chose qu’elle porte en elle.

Poignant récit… Abîmée par la vie, par la désespérance qui la hante, par on ne sait quelles thérapies et autres pédagogies qui ont peut-être aggravé sa situation. Laura ne se supporte pas… Elle souffre d’un mal de notre temps, lié à l’identité et à l’être.

Trois médecins ont décidé qu’elle souffrait de manière insupportable et qu’elle doit pouvoir mourir.

A l’heure actuelle, Laura s’efforce d’offrir à ses proches – sa mère, ses grands-parents – le plus de présence possible. Et elle organise tout : sa mort dans le studio où elle passe deux jours par semaine, ses funérailles… « Je trouve cela agréable d’y penser. »

Elle prépare ses dernières paroles.

Voilà où mène l’autonomie du patient, poussée à l’extrême.

Voilà où mène la faillite d’un système qui ne sait plus donner de raisons de vivre.




AGENCE GÉNÉRALE DU SUICIDE 



Société reconnue d’utilité publique.
Capital : 5 000 000 de francs.
Siège principal à Paris : 73, boulevard Montparnasse.
Succursales à Lyon, Bordeaux, Marseille, Dublin, Monte-Carlo,
San Francisco.

Grâce à des dispositifs modernes, l’A.G.S. est heureuse d’annoncer à ses clients qu’elle leur procure une MORT ASSURÉE et IMMÉDIATE, ce qui ne manquera pas de séduire ceux qui ont été détournés du suicide par la crainte de « se rater ». C’est en pensant à l’élimination des désespérés, élément de contamination redoutable dans une société, que M. le ministre de l’Intérieur a bien voulu honorer notre Établissement de sa présidence d’honneur.
D’autre part, l’A.G.S. offre enfin un moyen un peu correct de quitter la vie, la mort étant de toutes les défaillances celle dont on ne s’excuse jamais. C’est ainsi qu’ont été organisés les express-enterrements : repas, défilé des amis et des relations, photographie (ou moulage du visage après la mort, au choix), remise des souvenirs, suicide, mise en bière, cérémonie religieuse (facultative), transport du cadavre au cimetière. L’A.G.S. se charge d’exécuter les dernières volontés de MM. ses clients.
NOTA. – En aucun cas, l’établissement n’étant pas assimilé à la voie publique, les cadavres ne seront transportés à la Morgue, ceci pour rassurer quelques familles.

TARIF

Électrocution…………………………………………….         200 fr.
Revolver……………………………………………………         100 fr.
Poison………………………………………………………          100 fr.
Noyade……………………………………………………..           50 fr.
Mort parfumée (taxe de luxe comprise………..  500 fr.
Pendaison. Suicide pour pauvres. (La corde est
vendue au prix de 20 fr. le mètre et 5 fr. pour 10 centi-
mètres supplémentaires.)……………………………        5 fr.


Demander le Catalogue spécial aux Express-enterrements. Pour tous renseignements s’adresser à M. J. Rigaut, Administrateur principal, 73, boulevard Montparnasse, Paris (6e). Il ne sera fait aucune réponse aux personnes exprimant le désir d’assister à un suicide.

15.6.15

Ce soir sur Arte



A ne pas rater, sur Arte ce soir à 22h30, l'excellente version norvégienne du Feu follet.



Une angoisse...




Ébauche inédite d'une préface à la biographie de Jacques Rigaut, Daniel Darc, août 2007


"Tous les chemins mènent à mort. Ça suffit. Hop ! Tout est là ! Jacques Rigolo en quelque sorte. Drieu avait du talent, lui. Ça gêne le talent. Ça prend de la place. Plus d’endroit pour loger le génie…comme on loge une balle. Perdue, mais pas pour tous. Précise, en pleine poitrine. Les rōnin avant d’aller au combat jeûnaient plusieurs jours pour ne pas se répandre en merde au cas où le sabre les trancherait en deux. Jacques Rigaut a-t-il fait ça ? En tout cas, ça me plaît de le penser. Et puis la balle, n’était-ce pas justement pour éviter de se répandre. Ecrire on s’en fout. Il faut savoir se retenir. Nous sommes tous des dandys, nous portons les mêmes cravates serrées autour du cou ou du coude, selon les moments ou les besoins."  

21.5.15

Dans crève-cœur y a cœur


"Une angoisse docteur? c'est pas une angoisse, c'est une angoisse perpétuelle." 
(Alain Leroy au docteur La Barbinais)


6.5.15

Des (bonnes) nouvelles d'Henri Calet




"Je travaille en ce moment à un guide de Paris où j'ai choisi de parler des XIXe et XXe arrondissements , ce qui m'a conduit à faire quelques balades assez déprimantes aux abattoirs de la Villette et aux Buttes-Chaumont", écrit Henri Calet à son ami Georges Henein le 30 mars 1949. Ce "guide de Paris" restera inédit jusqu'à aujourd'hui. Le grand exhumateur de Calet, Jean-Pierre Baril, nous explique dans une éclairante préface le cheminement compliqué de ces balades parisiennes que l'auteur de Peau d'ours tentera vainement de publier entre 1950 et 1955, sous le titre Huit quartiers de roture. Henri Calet est le chef de file cette littérature  dite arrondissementière, ce journalisme intimiste où l'auteur invite le lecteur à le suivre dans une déambulation autobiographique et poético-littéraire des quartiers de Paris, en dehors des sentiers battus. Pour son projet, Calet rassemble quelques-uns de ses articles d'écrivain-voyageur en zone urbaine, déjà parus dans la presse, puis arpente les rues des XIXe et XXe arrondissements qui lui sont familiers, puisqu'il s'agit de sa terre natale. Comme le souligne Jean-Pierre Baril, Calet se met "à l'écoute de lui-même, de ses sensations, et du bruit de son pas sur l'asphalte. C'est le bruissement de la ville, c'est son cœur, c'est son battement secret qui l'intéresse." Malgré un contrat d'édition signé, le projet achevé restera dans les archives de l'écrivain.  Pour autant, Calet ne se décourage pas et propose l'adaptation radiophonique  de son projet au directeur de la Radiodiffusion française. Huit quartiers de roture sera finalement diffusé sur les ondes françaises durant l'automne 1952. Le Dilettante qui publie aujourd'hui les versions inédites du texte a eu la bonne idée d'insérer dans l'ouvrage un CD comportant de larges extraits de la version radiophonique. On peut y entendre avec émotion la voix chaleureuse et rocailleuse de Calet qui lit son texte avec une diction merveilleuse, parfois teintée d'ironie, un montage poétique de narration et de musique, une mise en ondes parfaitement réussie. "J'aime ces faubourgs pauvres où il n'y a rien à voir. On croise le minimum de gens, on se sent presque seul, on s'enfonce dans une agréable mélancolie, au risque d'y perdre pied, insensiblement", écrit Calet, aux environs de la place Gambetta. Puis, il invite le lecteur à suivre ses pas dans les allées ombragées du cimetière du Père-Lachaise. On contemple avec lui la vue panoramique sur Paris, de la terrasse de la chapelle, d'où Rastignac lança sa fameuse apostrophe à la capitale : "A nous deux maintenant!" A son habitude, Calet apporte quelques touches humoristiques qui rendent la balade souriante, dans un lieu qui, au premier abord, n'incite guère à sourire : "Je ne rencontrais personne, hormis quelques vieillards assis légèrement sur des bancs où l'on dirait qu'ils cherchent à prendre des habitudes." Après le succès de l'adaptation radiophonique de ses promenades, Calet fit une dernière tentative pour publier Huit quartiers de roture. Les éditions Grasset et d'autres maisons refuseront le manuscrit. Calet aurait aimé poursuivre ses dérives psychogéographiques à travers la ville, et écrire un livre sur Paris, arrondissement par arrondissement. La maladie l'en empêchera. Son cœur usé s'arrêtera de battre un 14 juillet 1956. Quelques jours avant sa mort, il écrira ces notes dans son agenda : « C’est sur la peau de mon cœur que l’on trouverait des rides. Je suis déjà un peu parti, absent. Faites comme si je n’étais pas là. Ma voix ne porte plus très loin. Mourir sans savoir ce qu’est la mort, ni la vie. Il faut se quitter déjà ? Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes. »

Henri Calet, Huit quartiers de roture, établissement du texte, notes, préface et postface de Jean-Pierre Baril, un CD inclus, éditions Le Dilettante, mai 2015, 19 euros.  






2.5.15

Rigaut chez l'homme pressé




"Cher ami,
Ne trouvez-vous pas qu'il y a dans le goût de la mort, chez Drieu, quelque chose d'aussi désuet que dans le romantisme ; cela date d'avant la bombe atomique. Depuis, on ne peut plus parler de la mort de la même façon, même si l'on doit en parler. Avez-vous connu Jacques Rigaut quand il était le secrétaire de J.E. Blanche ? Moi, oui. Il venait me voir avenue Charles Floquet, mais m'a toujours caché la drogue. [...]"


Lettre de Paul Morand à Jacques Chardonne du 15 septembre 1963
Remerciements à Bertrand Lacarelle



19.4.15

"Rendez-vous dans le jardin de l'église"





Ce jour-là, J.R. est mal en point, probablement à cause d’excès alcoolisés ou opiacés de la nuit, il vomit dans un coin. Le mauvais temps persistant, commence à décourager le public et incite Breton à prendre la parole. Malgré l’enthousiasme Dada, le public refroidi par la météo hostile et la tristesse de l’endroit, déserte rapidement la manifestation qui tourne au fiasco.

Le tract original de cette journée pluvieuse sera en vente à Berlin le 2 mai 2015.

17.4.15

Mort d'un biographe



Hommage à Jean-Jacques Lefrère, le biographe de Rimbaud disparu
hier à l'âge de 60 ans. "La vie est la farce à mener par tous."

8.4.15

Dix ans




Cadeau anniversaire (10 ans que ce blog existe) : le manuscrit original de la chanson "Rock'n Roll Suicide" écrite et interprétée par Ziggy Stardust a.k.a David Bowie. Une chanson on ne peut plus rigaltienne. L'expo à la Philharmonie de Paris vaut le détour, malgré l'exiguïté du lieu (évitez les jours d'affluence). On y apprend entre autres que Bowie a été influencé par Dada à Paris : l'un de ses costumes de scène reproduit l'un des costumes créés par Sonia Delaunay pour la soirée dadaïste "Le cœur à barbe" du vendredi 6 juillet 1923, sur la scène du théâtre Michel. Cette ultime manifestation dadaïste qui, pour la première fois dans l’histoire du mouvement tourne au pugilat entre « amis », marque la scission définitive entre Dada et le surréalisme à venir. Un invité de Tzara, le peintre hollandais Théo van Doesburg note la présence de J.R. dans les rangs des fauteurs de troubles...

7.4.15

Un an




L'écrivain Bertrand Delcour est mort il y a un an dans son sommeil la nuit du 7 au 8 avril 2014. Je pense souvent à lui, tendrement. J'espère un jour aller me recueillir sur sa tombe, y déposer quelques fleurs sauvages et prières. J'aimerais aussi passer du temps dans sa bibliothèque probablement merveilleuse, plus de 5000 ouvrages. Je suis sûr que je le retrouverai là, entre les pages, entre les lignes. Il (me) manque terriblement.

"Je me suis amusé à mettre 6 ou 7 morceaux de musique pure pour voir où Facebook en était avec ses oreilles. J'ai volontairement choisi des pièces extraordinaires : l'adagio assai du concerto en sol, le 9 eme quatuor de Chostakovitch, La Muse et le Poète de Saint-Saens etc... Le résultat est un triple zéro. Je suis ravi. Vous êtes tous des porcs et méritez de finir comme des cochons. Mangez vos patates et soyez sourds." (Bertrand Delcour,statut du 29 janvier 2013)

"Pour savoir écrire, il faut avoir lu, et pour savoir lire, il faut savoir vivre." (statut B.D. du 28 aout 2012) [Citation de Guy Debord extraite de son Panégyrique (tome premier) paru en 1989.]

19.3.15

Va chier le pohète!




Comme toutes les autres années, Jacques Vaché a refusé toutes les séances de signatures du salon du livre. En revanche, ses lecteurs pourront le retrouver le samedi 21 mars 2015 entre 16h et 17h sur France Culture.

8.3.15

Paillettes



En lisant le dernier roman de Franck Maubert, inspiré par la vie du peintre Robert Malaval, on se dit que la figure flamboyante de cet artiste maudit, suicidé à 43 ans par balle en aout 1980, est l'antithèse de Jeff Koons l'artiste glorifié et surestimé par le marché de l'art et ses acteurs. Peu de temps avant sa mort, Malaval le visionnaire faisait cette confidence à son ami : "Depuis, une vingtaine d'années, il y a eu une spéculation sur l'art, une telle aberration dans la manière dont il est perçu que tout le monde s'en perverti, moi compris. Je ressens maintenant un véritable dégoût de cela." Notre époque donne malheureusement raison à ce dégoût. On peut se consoler en pensant que la bulle spéculative gonflée artificiellement du marché de l'art finira par imploser, comme fondent les muscles hypertrophiés d'un bodybuilder qui cesse de s'injecter des stéroïdes. Le choix d'une mort volontaire aura permis à Malaval de ne pas voir cette pieuvre internationale que sont devenus l'art et son marché. Des centaines de toiles de Damien Hirst et d'autres artistes dorment dans les ports francs de Genève et du Luxembourg, une surproduction d'œuvres en attente d'opportunités spéculatives. Un marché de l'art très hypocrite qui brasse des sommes colossales sans se soucier de la provenance de l'argent. Une omerta, dont l'anonymat est la règle, respectée par tous les acteurs de ce marché gangréné aujourd'hui par les mafieux de tout bord. Franck Maubert rencontre le peintre en 1976, l'année de la sécheresse. Une amitié naît dans un Paris caniculaire, entre l'insouciance de la fin des années 70 et les paillettes des années 80 dont le peintre fera sa signature. Maubert raconte le grand œuvre du peintre : ses "Aliments blancs" qui le font connaître, mais qui ne se vendent pas. Robert Malaval passe alors ses journées dans son atelier-bunker, fenêtres fermées, devant ses toiles blanches sur lesquelles ils jettent des poignées de paillettes, à s'abrutir de joints et de bières (Paulaner) coupées à l'alcool à 90, en écoutant sur son Revox 24 pistes, des sons de nature et les guitares saturées des Stooges. Pour Malaval, la peinture doit être un geste. Dans sa chronique de Libération, Pacadis évoque les vernissages mouvementés des expositions du peintre, mais qui restent des fiascos commerciaux. Galeristes et marchands se détournent définitivement de l'artiste. La banlieue bétonnée de "Créteil-Soleil" sera le champ du cygne du peintre. Au début de l'été 80, il peint une quarantaine de tableaux, dans une fosse du centre culturel de Créteil, sous les yeux des spectateurs et des passants, des grands formats réalisés dans la fureur. Les badauds l'insultent, il les bombarde de peinture, leur jette au visage ses pinceaux. Le combat désespéré du taureau dans les arènes face aux picadors qui l'encerclent, avant l'estocade finale. Un de ses derniers tableaux s'intitule Massacre à Créteil. Epuisé par cette performance inhumaine, le peintre s'enferme dans son bunker parisien. La première semaine du mois d'aout, il se tire une balle de 22 long rifle dans la bouche. La police trouve le mot "MAINTENANT" scotché sur la porte, hommage au poète-boxeur Arthur Cravan. Un disque tourne en boucle sur la platine, Blank Generation de Richard Hell and the Voidoids. Un dernier message écrit à la hâte laissé en évidence : " "Je leur souhaite de continuer dans la merde qui est notre monde. A part ça je me considère comme assassiné par "eux" et qu'ils continuent leur cirque stupide et qu'ils vivent leur minable réalité. (…) Pardon à mes rares amis et j'espère ne pas me rater car les suicides au secours me dégoûtent. J'ai pas envie de mettre le moindre ordre dans mes affaires. J'en ai rien à foutre et je vous emmerde tous." La dépouille du peintre sera convoyée dans une DS 21 jusqu'à Nice par son fils qui pour ce dernier voyage a préparé une cassette avec des morceaux des Stones, de Dylan et de Ry Cooder. Puis, l'inhumation en catimini au cimetière de Caucade face à la mer, à l'ombre des palmiers et des eucalyptus. Le cercueil s'enfonce dans la terre, recouvert de paillettes multicolores.



EXTRAIT :

"Arrivé à mi-pont, Aragon se retourna sur nous. A sa hauteur, une voix, sa voix fragile, presque un murmure : "Bonsoir, les garçons." Un silence. Il donnait l'air de nous examiner, l'œil clair aux aguets. Son écharpe et son feutre aux larges bords me firent penser à l'image de Bruant par Toulouse-Lautrec. Robert et moi restâmes un moment interloqués. Et Robert, comme un gamin, je ne l'avais jamais vu ainsi : -Bonsoir, monsieur. Il nous observait encore. Sa voix douce, étouffée : - Vous ne viendriez pas chez moi, ce n'est pas très loin? Il attendait une réponse qui ne venait pas. (…) Il poursuivit : -J'habite rue de Varenne… Ce n'est pas très loin… Je restai interdit. Et d'une voix aigrelette, presque d'outre-tombe : -Vous aurez tout ce que vous voulez. Vous voulez quoi? De l'argent? J'ai de l'argent!, en portant sa main droite à la hauteur de son cœur. Un fort coup de vent faillit emporter son chapeau. Je le rattrapai. -Hein, alors, vous venez…, la voix traînante. Et là, moi qui n'avais encore rien dit, sortit de ma bouche : -Non, merci monsieur Aragon. (…) Le vieil homme tourna brutalement les talons et d'une tessiture qui tremblait : - Ils m'ont reconnu, ils m'ont reconnu…"

Visible la nuit, Franck Maubert, Fayard, 2014.

27.2.15

La belle échappée




Le film de Valérie Minetto consacré à Annie Le Brun s'ouvre sur une citation de Jacques Rigaut : "Penser est une besogne de pauvres, une misérable revanche." C'est Annie Le Brun elle-même qui cite Rigaut. L'auteur de Soudain un bloc d'abîme, Sade évoque J.R. à plusieurs reprises dans son oeuvre et ses entretiens. Entre autres, dans son livre Si rien avait une forme, ce serait cela :""Une lettre m'est d'autant plus sûrement adressée que mon adresse n'y figure pas", a t-on trouvé dans les papiers posthumes de Jacques Rigaut, suicidé au début du XXe siècle." (Gallimard, 2010,  p. 29)     Le film de Valérie Minetto sera projeté au cinéma Saint-André-des-arts, à partir du 29 avril 2015.



 

24.2.15

Cigare



Vous allez enfin savoir si Dutronc est un anar de droite. Dans toutes les (bonnes) librairies, à partir du 4 mars.

8.1.15

Bonjour tristesse


@DAVE BROWN